La justice enquête en Normandie sur l'origine des objets vendus par Caen Enchères.

Deux commissaires-priseurs caennais, Lô Dumont, 67 ans, et Jean Rivola, 39 ans, (Ils ont depuis été relaxés [1]) mis en examen avec caution de 20 000 euros pour blanchiment, faux, et non-tenue régulière du registre de police : il y a là de quoi mettre en émoi les habitués des salles des ventes de Normandie.

L'affaire a débuté voilà plus d'un an avec un signalement de Tracfin, la cellule de renseignement française sur les circuits financiers clandestins. Cet organisme s'étonne alors des flux sur les nombreux comptes bancaires de six membres de la communauté des gens du voyage sédentarisés dans des villages près de Caen. Les mouvements sont sans commune mesure avec les revenus officiels des intéressés, âgés de 36 à 52 ans, et RMistes pour certains.

En lien avec le Groupe d'intervention régional (GIR) de Basse-Normandie, et plus particulièrement avec l'inspecteur des impôts détaché au sein du GIR, les gendarmes de la section de recherches de Caen entament une longue période de filatures. Il apparaît que les suspects achètent chez des particuliers de la côte de nombreux objets qui sont ensuite revendus dans la salle des ventes Caen Enchères.

Les ventes se chiffreraient par milliers, d'où la mise en examen des vendeurs pour blanchiment et travail dissimulé. Mesures qui ont entraîné la saisie de six véhicules, dont trois fourgons servant au transport des marchandises. Le procureur de la République de Caen fait par ailleurs état d'« infractions techniques » : dépôt d'objets sans mention d'origine de la pièce, défaut d'attestation d'identité auprès de la salle de ventes.

Scénario inspiré par la CIA

La plupart des objets relèvent de la chine et ne dépareraient pas des vide-greniers de chef-lieu de canton. Mais, selon une source proche du dossier, auraient aussi été vendues des armes anciennes, dont un sabre, des photos encadrées où le cadre présente le plus de valeur. Pièce rare : une statue d'après Carpeaux mise en vente par la compagne de l'un des suspects.

Selon un scénario plus inspiré par la CIA que par Christie's, la salle des ventes a été placée sous surveillance vidéo. Non seulement les gens du voyage auraient vendu, mais ils auraient également participé aux enchères en les « poussant » énergiquement.

Faut-il y voir la raison de la mise en examen des commissaires-priseurs pour « entrave au bon fonctionnement des enchères » ? « Cette affaire va faire pschitt », assure Me Bernard Blanchard, conseil des commissaires-priseurs. « Les qualifications pénales paraissent effroyables, mais les faits ne semblent absolument pas en proportion. »

Le parquet général de la cour d'appel de Caen a transmis un rapport au conseil des ventes de France, autorité de régulation de la profession. « J'attends les suites de l'enquête », indique Serge Armand, magistrat délégué comme commissaire du gouvernement auprès du conseil des ventes. « Si les faits sont graves, des poursuites disciplinaires seront engagées. »

(Le Figaro)

ADDENDA :

Lô Dumont et Jean Rivola, deux commissaires priseurs caennais ont été relaxés par la cour d'appel vendredi 3 juillet. Le 20 octobre dernier, ils avaient écopé de lourdes condamnations pour blanchiment aggravé. Il s'agissait de vente d'objets provenant d'un travail dissimulé. Des meubles vendus par des gens du voyage, se présentant comme brocanteurs, dans l'établissement de Caen-Enchères. Finalement, la justice a reconnu de graves négligences, sans désir de couvrir un quelconque trafic de meubles.

Sur la question des enchères relancées par les mêmes faux-brocanteurs, seul Lô Dumont a été condamné dans la mesure où il dirigeait les ventes et a laissé faire cette pratique.

Lô Dumont et Jean Rivola écopent respectivement d'une amende de 18 000 € et 15 000 €. Motif final : ne pas avoir tenu régulièrement de registres de mobilier d'occasion. Il ne leur sera pas interdit d'exercer leur profession de commissaires priseurs pendant trois ans, comme prononcé en première instance.

(Source : La Manche Libre)

Notes

[1] Voir Addenda